• L'inactivité comme rapport de force (1)

    Depuis 30 ans la lutte contre le chômage est d’abord une lutte contre ce qui reste de « travail organisé », que ce soit par les vagues successives de dérégulation par la surréglementation du marché du travail ou par le rôle décisif que joue cet épouvantail pour maintenir « l’entente forcée » dans les boites ou la docilité inquiète à tous les âges et bas étages de la société. Au-delà des petits jeux statistiques, l’inactivité (ne plus être compté dans la population active, c’est à dire  salariés + chômeurs) a, elle aussi, participée à la multiplication des statuts alternatifs au salariat classique accompagnant l’essor du travail intérimaire et servi de soupape aux divers durcissements des régimes d’allocation-chomâge pour ceux que l’on considère comme encore exploitables. Précisons qu’ainsi en Grande Bretagne 2,7 millions de personnes sont titulaires du régime d’invalidité, ce qui constituait avant la crise deux fois et demi le nombre de bénéficiaires de l’allocation chômage. De même au Danemark, ce sont 20% des 15-64 ans qui sont sortis plus ou moins définitivement du marché du travail.  Mais le resserrement actuel des contrôles et la généralisation progressive du travail gratuit indiquent que nous sommes à un nouveau tournant.

    Pour en  rester aux chiffres, il est clair qu’avec le vieillissement des populations, la gestion de l’inactivité devient centrale pour le capital : en ajoutant retraités et bénéficiaires des aides sociales, on en arrive, à moyen terme, à 25 millions d’inactifs en Allemagne, 19 millions en France et 17 millions en Grande Bretagne.

    Les retraités constituent un double problème puisqu’ils bénéficient de l’ancien régime de contractualisation de la lutte des classes, qui peut encore être rogné mais difficilement supprimé et ne peut en tout cas pas être équilibré du fait de l’externalisation de la production (Aux Etats-Unis, on compte 3 retraités pour 1 actif chez General Motors). Ironie du sort, c’est un peu le travail « mort » (sa combativité passée et les mesures nécessaires à sa fixation cf. fidéliser pour lutter contre le turn-over) qui pèse sur le capital.

    L’inactivité exprime donc une contradiction propre à la restructuration : comptes impossibles à solder de l’ancien cycle de luttes, rétablissement du rapport de force par la mise en quarantaine d’une partie du travail vivant traité comme valeur usagée et déséquilibre entre contrôle social sur une aire nationale et mobilité mondiale du capital. La création actuelle d’un « servile public » de la main-d’œuvre vise donc à pallier aux effets les plus saillants de cette contradiction en réduisant les coûts de reproduction du non-travail. Mais, comme l’ont montré les diverses aberrations émaillants l’offensive contre les régimes d’invalidité ( un cul-de-jatte envoyé ramasser des asperges en Allemagne, un homme au bras plâtré considéré comme apte à porter des objets lourds en Angleterre, etc.…), il s’agit plus de discipline que de valorisation (Nous verrons dans la deuxième partie pourquoi).


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