• Bien crevée, vieille taupe ? (6)

     

    Des nouvelles du fond, un panorama du secteur minier international (a)

     

    Raccourci préalable : l’or, encore et toujours

     

     

     

    « L’or a été longtemps synonyme d’Afrique du Sud. Mais, comme en témoigne la décision du producteur Gold Fields de placer dans une entité séparée deux de ses gisements sud-africains, cette prééminence n’est plus de saison. (…) D’ici à 2013 la nouvelle structure baptisée « Sibanye », qui doit être cotée séparément, regroupera deux mines sud-africaines, vieilles et profondes, donc coûteuses à exploiter. L’autre entité, qui garde le nom de Gold Fields, comprendra les avoirs internationaux (au Pérou, au Ghana, en Australie), ainsi que la South Deep Gold Mine, au sud-ouest de Johannesburg. A l’instar de toutes les sociétés minières du pays, Gold Fields, numéro quatre mondial du secteur, a été récemment confrontée à des grèves sauvages à répétition d’une extrême violence à l’appui de revendications salariales et d’amélioration des conditions de travail. Les débrayages ont fait chuter le bénéfice net de l’entreprise lors du troisième trimestre de 42%.(…) L’exemple de Gold Fields sera suivi par d’autres. Harmony Anglogold Ashanti ou Amplats envisagent de réduire leur présence dans la mère patrie de l’exploitation de l’or, qui a débuté en 1886. » Marc Roche Gold Fields Good Buy ! (Le Monde 03/12)

     

    Certes le déclin de la production d’or en Afrique du sud remonte à plus loin, déclin d’ailleurs en proportion quasiment équivalent à celui de l’essor de production de platine (avec, entre 1994 et 2009, une baisse de production de 63%, contre une augmentation de 67% pour le platine où sont désormais employés 24 000 travailleurs de plus). On a là une configuration somme toute classique de « fuite » du capital quand aux rendements décroissants se conjuguent des luttes ouvrières radicales. Dans le même temps, le cours de l’or a repris sa lente ascension vers, paraît-il, à moyen terme le prix de 2000 dollars l’once contre 700 en octobre 2008 et bien moins dans les années 80 et 90. Cette nouvelle remontée s’expliquerait par la politique des banques centrales (américaine, anglaise et demain européenne) qui en faisant tourner la planche à billets préparerait un retour de l’inflation et de son grignotage des patrimoines, contre laquelle l’or est bien sûr un remède souverain. Qu’il en soit ainsi ou non, le rapport de l’or (et des luttes dans le secteur) à la politique monétaire et à la restructuration est loin d’être une question superficielle ou totalement éculée. Il y a bien sûr le serpent de mer du rétablissement de l’étalon-or, ressorti par certains républicains lors de la campagne électorale aux Etats-Unis et dans un sens inverse en France par les disciples du « national-capitalisme » à la Jacques Rueff, qui dénoncent le privilège, devenu exorbitant, accordé au dollar, base de l’« héganomalie » américaine1. Mais la démonétisation de l’or et les changes flottants, loin d’être des décisions malencontreuses ou opportunistes ont ouvert la voie à la nouvelle vague d’internationalisation en supprimant les barrières à la mobilité des capitaux et indiquaient le début de la contre-offensive du capital2. Or (sic), peu après l’adoption en 1976 des accords de la Jamaïque, qui entérinaient cette remise en ordre, une série de grèves violentes secoue le secteur aurifère sud-africain. Celles-ci menacent alors de faire remonter drastiquement un prix de l’or tombé bien bas et ainsi de mettre à mal tous les effets « restructurants » de la démonétisation, c’est à dire le nouveau pouvoir de l’intermédiation financière (spéculation accrue sur les monnaies faibles) mais aussi du FMI (Cf. Prêts au Portugal en 76, à l’Italie et au Royaume-Uni en 77) sur des Etats ne pouvant plus s’appuyer sur leurs stocks d’or dévalorisés pour gérer leurs déficits, c’est à dire « monnayer » avec leur prolétariat.

    Il faudra attendre que ce dernier soit effectivement défait et que la stabilité des prix devienne le nouveau point d’ancrage de la politique monétaire, pour qu’il n’y ait plus lieu de s’inquiéter des dangereux « effets en retour » des luttes des mineurs sud-africains. Se débarrasser de cette « relique barbare » (Keynes) qu’était la, certes principalement nominale, « marchandise-monnaie » or, c’était aussi conjurer la dépendance à un travail vivant indocile, au nord comme au sud. Mais les fantasmes de « monnaie pure », de dématérialisation totale ou du A-Á n’ont pas fini de buter sur les prosaïques besoins de thésaurisation et surtout des luttes de classe bien réelles…

     

    1 L’étalon ne se fera probablement pas « cheval de retour » comme le montre l’échange entre Ben Bernanke et un élu du congrès lors d’une audition en juillet 2011. A la question « L’or est-il une monnaie ? » le président de la réserve fédérale répond surpris « Non ». « Mais alors pourquoi les banques centrales, ont-elles des réserves d’or ? Pourquoi pas des diamants ? » « He bien répond Bernanke, c’est la tradition. » cité in U.S. election reopens the gold debate IHT 03/02 Notons aussi, qu’il y a quelques années Sarkozy, alors ministre du budget, avait envisagé de vendre purement et simplement les réserves d’or françaises.

    2 Voir Christian Marazzi Money in the World crisis : The New Basis of Capitalist Power disponible le net et dans l’ouvrage de Bonefeld et Holloway Global Capital, National State and the Politics of Money

     


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