• Le mirage de l’humanisation

    Il fut un temps où pour contrer l’insubordination ouvrière ; managers, technocrates et syndicalistes ont caressés l’idée de rétablir la productivité par l’enrichissement des tâches, « l’humanisation du travail ». Cet humanisme de l’exploitation trouva sa concrétisation la plus achevée dans l’usine Volvo d’Uddevalla, fonctionnant selon les normes de la « production réflexive », c’est à dire le montage complet du véhicule par de petits groupes. Notons qu’au même moment, alors qu’il devenait le modèle de l’industrie mondiale, le toyotisme entrait en crise au Japon (fort turn-over et problèmes de recrutement) et on envisagea là aussi de « relâcher un peu la pression » (baisse des normes de productivité, création de stocks tampons, etc..). Finalement l’usine d’Uddevalla a fermé en 95 et Toyota est sorti de la crise en recourant massivement à l’intérim : licenciements et chômage de masse se sont avérés de biens plus efficaces remèdes que la « revalorisation du travail ». Le travail rebelle fut donc progressivement ramené à sa dimension première de simple capital variable, de coût et là ou la socialisation salariale avait échouée, la précarisation-fléxibilisation allaient devenir les meilleurs fourriers de la docilisation.

    Au-delà des vieux fantasmes idéologiques d’« optimum social », « l’humanisation » correspondait en fait à un certain stade de confrontation.  Ainsi, comme le notait René Loureau dans L’analyseur LIP : «  Dans la pratique ouvrière elle-même, la convergence et, à la limite, l’équivalence des luttes de la base et des expériences patronales les plus avancées sont surprenantes. Chez Lip, comme chez Cousseau à Cerizay, les ouvriers et ouvrières insistent sur le fait que les cadences et les chefs sont supprimés, que la rotation des tâches ou la suppression de postes transforment radicalement l’ambiance. Or, il s’agit là des préoccupations modernistes du patronat, lequel a parfois une bonne avance non seulement sur les revendications ambiguës des syndicats, mais sur le passage à l’acte de la base. » Mais toutes les utopies du contre-planning («  Le contre-plan, c’est l’ensemble des initiatives que les ouvriers prennent sur les lieux de travail pour corriger l’irrationalité du système (..) » Loureau ibid.) comme prémisse au contrôle ouvrier ou au rétablissement de l’autorité patronale (les deux fonctionnaient de pair), ont été démenties par la vitalité de l’anti-travail. Comme l’a bien résumé Bruno Astarian  : « Dans les années 60-70, les modalités de la résistance à l’exploitation sur le lieu de travail ont été dénommées antitravail parce qu’elle n’étaient pas associées à aucune proposition alternative de développement du travail dans une société libérée de l’exploitation. » ( Aux Origines de l’ « antitravail » Publiée par Echanges ( BP241 75866 Paris cedex 18 ). Le rétablissement de la productivité ne pouvait donc s’opérer de façon pérenne à partir d’une ré-implication « positive » des salariés car, à quelques exceptions près, les luttes n’en dessinaient aucun modèle.


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  • Commentaires

    1
    SDcLAieTqYRe
    Dimanche 11 Décembre 2011 à 20:58
    Now I know who the brainy one is, I'll keep loiokng for your posts.
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