• La forme rattrapée par le fond

     

    uoi qu’elles encombrent encore, les catégories politiques issues du fordisme (compromis, progressisme, souveraineté, etc.…) sont rendues irrémédiablement obsolètes par l’attaque contre ce qui reste de reproduction socialisée. Comme résumé il y a longtemps déjà : « La superstition politique est seule à se figurer de nos jours que la cohésion de la vie civile est le fait de l’Etat, alors qu’en réalité, c’est au contraire la cohésion de l’Etat qui est maintenue du fait de la vie civile. » (La Sainte famille)

    La cohésion de la vie civile maintenue « à perte » ces dernières décennies se réalise en faillite de l’Etat qui n’a plus qu’à solder les comptes et mettre celle-ci en coupe réglée. Fond de commerce ou fausse conscience, l’illusion politique aura donc toujours plus de mal à se convaincre que « L’Etat est la révolution » quand il délaisse ses oripeaux de médiateur pour ne garder que ses vieilles frusques régaliennes. Mais si désormais les attributs formels suffiront difficilement à travestir l’effectivité du tournant de l’exploitation, de l’horizontalité lénifiante (ce post-léninisme !) aux compensations « hiérarchiques » (racisme), la gamme d’impasses reste large. Après tout, la précédente vague d’offensive, au tournant 2000, n’a-t-elle pas finalement aboutie en Amérique Latine à une permutation ploutocratique (Chavez et autres Kirchner) ?

    Le débordement de la forme politique par le contenu qu’elle est sensée neutraliser sera en tout cas un des enjeux de la période qui s’ouvre. D’ores et déjà, la violence qui réapparaît un peu partout montre que l’encadrement classique ne pourra pas sereinement encalminer les luttes dans la protestation, ce qui ne veut pas dire qu’on fera l’économie d’une critique offensive des catégories politiques anciennes ( issues du mouvement ouvrier) ou nouvelles.

    Qu’on prenne la question de l’oligarchie : certes elle fait le bonheur de ce clown de Mélenchon ou de ces charlots de Pinçon, mais il faut bien reconnaître qu’elle est « produite » par la restructuration. Au nord, le rétablissement du taux de profit, par la mutation progressive des parts de la valeur ajoutée, aboutit au captage des gains de productivité par une infime minorité, ce qui a en partie mené « à sacrifier l’accumulation du capital au profit du revenu personnel des capitalistes » (A contre-courant), donc à la « surfinanciarisation ». Au Sud, la mutation des socialismes par le biais des privatisations des années 90, s’achève en un népotisme kleptocratique ne pouvant, encore moins que son prédécesseur, prétendre garantir développement et redistribution. Dénoncée ici (« Nous sommes les 99% »), sérieusement bousculée là-bas (les révolutions arabes), l’oligarchisation n’est qu’un moment d’un rapport social qui sape les bases mêmes (la superstructure socialisatrice) de la séparation politique telle qu’héritées du cycle précédent. Cette recomposition de la classe capitaliste dans la contre-révolution («Les divers individus ne constituent de classe qu’autant qu’ils ont à soutenir une lutte commune contre une autre classe. » Marx) ne fait que renvoyer le prolétariat à sa contradiction qu’expriment notamment les luttes contre le déclassement dont les diatribes contre l’oligarchie sont le mot d’ordre : c’est d’« en dehors », contre ce qui le constitue et le reproduit, donc contre le politique, qu’il pourra reprendre l'initative.

    Et si on entend partout se féliciter du renouveau démocratique amené par les révoltes arabes, sans parler de la bienveillance qui entoure l’indignation mondialisée, les bonnes âmes feraient bien de ne pas se réjouir trop vite car la fin des illusions à Athènes pourrait bien trouver un écho dans la déception à Sidi-Bouzid.


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