• De l’isoloir au laminoir et autres probabilités

     

    « Les deux questions centrales pour l’Europe sont maintenant quel niveau de crise sera nécessaire pour que la France prenne le taureau de la réforme par les cornes et si une telle crise surviendra alors que l’Italie et l’Espagne sont toujours vulnérables (actuellement) ou déjà du bon côté de la berge (2013 ou 2014 ?). »

    (« Two key questions for Europe are now how much of a crisis it may take until France grasps the nettle of reform, and wether such a crisis may come while Italy and Spain are still vulnerable (now) or already on the safe side (2013 or 2014 ?).”)

      Holger Schmieding, chef économiste de la Berenger Bank (cité par James Saft in La panique sur la dette s’estompe, mais le péril persiste IHT 04/04)

    Le rapport des économistes de cette banque allemande, qui classe la france 15e sur 17 dans la zone euro pour les progrès dans l’ajustement économique, souhaite ouvertement une dégradation de note souveraine à l’issue des élections pour « forcer le pays à se réformer».  Ainsi, comme tout le monde s’en doutait, le résultat de la mascarade est déjà donné : « (…) quel que soit le vainqueur de l’élection, il a de bonnes chances de devenir le Gerhard Schroder français. » (Ibid cité dans Le Monde 04/04). Schroder ou Thatcher, de l’isoloir au laminoir il n’y a qu’un pas.

    Avec la controverse actuelle sur le remboursement de certains créanciers privés de la Grèce et l’accentuation de la pression sur l’Espagne, ce rapport ne tient plus de la prospective mais de l’évidence : la crise de la dette comme dispositif offensif du capital a bien sûr vocation à s’étendre et s’intensifier (entre autre par l’effet « en retour » de l’affaiblissement d’un des principaux garant des fonds de secours).

    Et derrière la question du « niveau nécessaire » de crise, il n’y a que celle du degré de combativité rencontrée, avec comme éventuel joker stratégique la sortie d’un ou deux pays de la zone euro.

    Le cours prévu, par ses promoteurs, de cette nouvelle étape de  restructuration c’est le cours « globalement prévisible » de la lutte de classes.  La «résistance », comme aime à bramer Mélenchon, n’apparaît en effet plus que comme le moment lui aussi nécessaire d’un « no deal » qui, d’une certaine manière, prend au mot trois décennies d'incantations  syndicales : « le seul droit des travailleurs qui vaille est celui d’avoir un travail. » (dixit récemment un ministre espagnol). De la défense à la défensive, le roll back se poursuit, mais plus radicalement puisqu’il retourne les limites d’un cycle de luttes « inabouti » (du fait, notamment, de la séparation étanche maintenue entre révolte désabusée des périphéries et «batailles », perdues d’avance, « pour la sauvegarde de l’emploi et des acquis » cf. la rengaine ouvrière : « on est pas des voyous »). 

    Certes, dans l’accompagnement protestataire à venir, le « réformisme sans réforme » (Troploin) aura du mal à rejouer son impossibilité, maintenant que l’entre-deux auquel il était adossé se dérobe et qu’on le prive de ses dernières illusions

    (surtout celle, centrale pour sa « base militante », d’opposer l’Etat au capital).

    Mais, à proclamer que l’obsolescence des bonnes intentions laisse le champ libre à l’insurrection, on risque fort d’enquiller les vœux pieux : les débordements ne s’émancipent pas magiquement du contenu et du contenant. C’est dans leur crise que nous nous situons et, douteuses prévisions de météorologie historique (« gris sur gris » ou « aurore, qui,  en un éclair, etc.. ») mises a part, ce « problème » fait partie de la solution.

     

     

    A part ça : à partir de la semaine prochaine, ce blog reprend ses activités normales avec une série de textes sur la paupérisation.

     


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  • Commentaires

    1
    A.D
    Mercredi 11 Avril 2012 à 23:22

    Je ne comprends pas bien la dernière phrase : à quoi rapporte "leur" (C'est dans LEUR crise...).

    Pour le reste, et notamment l'avant dernière phrase c'est bien vu...

    Enfin je me demande pourquoi le prolétariat, notamment les couches ouvrières en place, (à mon avis : classes moyennes salariés), pourquoi donc voudraient-ils faire une quelconque révolution ? pour vivre mieux ? mais c'est dans son rapport au capital que les ouvriers/classes moyennes salariées vivent le mieux, car la révolution, ou même des mouvements sociaux un peu durs signifient ipso facto : vivre moins bien dans le capital et pour lui. En tout cas, pour l'instant qui dure ce que l'on voit c'est bien cette continuelle jérémiade des "bons ouvriers", cette litanie "des honnêtes travailleurs", ou des "bon/n-es, citoyen-n-es". L'écart ? Pas de ça parmi les couches travailleuses en europe et autres dévellopés, aux luttes "suicides" (style TC) ont succédé les vrais suicides, (style télécom, foxcon, etc..), les marchandages se sont poursuivis, sans bonbonne de gaz préalable, mais avec force publicité pour la marchandise produite (Lejaby, Florange,etc...), et quelle tristesse de ne la produire plus. Le chômage ? Bien sûr, cela serait déchoir vers l'assistanat qu'une très grande part de ces mêmes ouvrier-ères redoutent, tant pour d'évidentes raisons matérielles (et spirituelles?) que pour le fait même d'en être. Je veux dire : en être "un honnête travailleur/euse" c'est vouloir, et encore un petit peu, pouvoir vouloir que ses enfants prennent l'ascenseur social, pour qu'ils soient eux/elles plus que des "honnêtes travailleurs/euses" , cadres ou, ouvrier/ère, mais vivant bien, de mieux en mieux quoi. Toutes ces stupidités, ce sado-masochisme typiquement couches populaires : on est fier de son travail, de son entreprise, et de sa production tout en lorgnant sur le mode vie des cadres supérieurs. On aimerait bien, on n'a pas pu parce qu'on est pas aussi intelligent-e-, et puis ils doivent avoir beaucoup de soucis et de stress, tandis que la main-d'oeuvre lorsqu'elle rentre chez elle c'est TV, ménage, bricolage, populaire, quoi...Ce besoin de s'en remettre toujours à d'autres pour comprendre, agir, ce besoin de s'identifier au patron, à l'ouvrier, au gagnant du loto, au footballeur couvert de gloire et de biftons, au candidat à la présidence, au syndicat à la cfdt, à fo, à la cgt, à la PAME pour écouter discourir alors en Grèce, en grève, des nazis côte à côte avec les délégués.

    CREVE LE PROLETARIAT

     

     

     

    3
    A.D
    Vendredi 13 Avril 2012 à 20:21

    "...opposer l’Etat au capital."

    L'histoire des mouvements de révoltes paysannes du  16ème et 17ème en France, surtout dans le Sud-Ouest est l'histoire de défaites inscrites dans cette limite "opposer le roi aux gabelleurs". Ces révoltes anti fiscales récurrentes dans les provinces du sud-ouest entraînaient des troubles de la perception des împots (taille, gabelle), les armées paysannes, parfois dirigées par des petits nobles, parfois manipulées par des nobles plus puissants, parfois menées par des paysans, attaquaient les percepteurs, leurs domaines et leur gens empêchant la levée des impôts pendant des années. Les dirigeants de ces mouvements, dont certains se faisaient nommer" Général du tiers-état", s'adressaient au roi pour expliquer que les paysans étaient en armes contre les abus des "percepteurs", contre "les mauvais financiers" qui dépouillent à la fois les paysans et le roi de ce qui revient au deux. Les mauvais financiers, les méchants percepteurs privent le roi de ce qui lui revient par leur rapacité qui est la cause de "l'émotion" des honnêtes paysans, plein de respect envers l'autorité royale comme envers la religion (il y eut plusieurs prêtres chez les révoltés, d'autre part on y trouvait des catholiques et des "réformés").

    Ces mouvements furent vaincus par une combinaison de répression féroce ou plus retenue, et d'abolition des dettes (remise d'une partie des arriérés) comme d 'amistie de certains dirigeants. Cependant les troubles durèrent des années et certains révoltés se muèrent en bandits qui attaquaient les convois de marchandise ou de bestiaux, faisaient d'habiles coups de mains, parfois en combine encore avec une fraction de la noblesse locale et à son profit.

    L'Histoire des Croquants : Yves-Marie Bercé UH, Seuil, 1986.


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    4
    sedasy Profil de sedasy
    Vendredi 20 Avril 2012 à 10:08

    Oi,

    la crise dont nous parlons à la fin du texte c'est celle du contenu ( défense du travail) et du contenant ( le politique, l'organisation, etc..). Reste à savoir si ça débouchera sur (l'ébauche d') un dépassement dont « l'accoucheuse de l'histoire » ( la violence) sera un moment nécessaire mais non suffisant (Cf. actuellement en Grèce). Comme dit l'adage, le « cours objectif des choses » ne crée pas mécaniquement la possibilité de son renversement.

    Ce qui nous ramène à « l'incertitude subjective » et à ce que tu écris. Si on est d'accord avec certains constats, on te laisse volontiers des catégories comme le sado-masochisme, « typique classe-populaire » ou pas...

    Aprés tout, on pourrait varier les diatribes pour toutes les couches du salariat. Ainsi les profs qui ,non contents de donner dans toutes les variantes possibles et imaginables de limitantisme et d'illusionnisme politiques, se dispensent tout naturellement (dialectiquement), d'une quelconque forme de critique de leur propre activité, alors que comme dirait st-rustre, « on n'enseigne pas innocemment » surtout dans cette société. Cette persistance diffuse de léninisme n'est que le revers du « complexe d'infériorité » des ouvriers; la communauté du travail, c'est d'abord sa division...

    salutations

    5
    A.D
    Vendredi 20 Avril 2012 à 19:16

    "Après tout, on pourrait varier les diatribes pour toutes les couches du salariat."

    Justement la diatribe ne serait pas très "variée", même marchandise, emballages plus ou moins chamarré.

    Je confirme mon diagnostic;-) D'ailleurs, j'ai fait long feu chez les profs, dialectiquement, mais sans fin de mois difficile, toujours difficile.

    Pourtant dans beaucoup de luttes actuelles autour de l'éducation les profs sont là : Grèce, Grande-Bretagne, USA, et maintenant au Québec, plus au niveau des universités, me semble-t-il, surtout pour les trois derniers pays.

    Si la "communauté du travail, c'est d'abord sa division", c'est peut-être que l'union passe par le rejet de cette "communauté", par le fait même d'y appartenir. Ce rejet attaque les fondements historiques des sociétés de classes et d'assignations relatives à la place de chacun/e dans l'ensemble social donné, autoprésupposition. C'est pour cela que les ouvriers ne peuvent pas vouloir autre chose qu'être ouvrier (ou les jeux ...), car il est impératif de ruiner l'économie d'une certaine manière afin de penser autrement les rapports.
    Qui voudra dézinguer l'économie ?

    Salut à toi.


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