• Crise de l’Union Européenne : zone monétaire optimale, guerre sociale

     

    L’intégration européenne a été un facteur déterminant de la contre-offensive capitaliste à la fin des années 70 : qu’on pense par exemple à la mise sous tutelle de l’Italie lors de son entrée dans le Serpent monétaire Européen en 1979 qui prépara la défaite de 1980, à la généralisation des politiques de « désinflation compétitive » (Cf. le fameux « tournant de la rigueur ») ou au démantèlement coordonné de certains secteurs de production (construction navale, textile, sidérurgie, chimie). L’instauration de la monnaie unique et l’élargissement à tout va visaient à franchir un seuil nouveau tant dans l’homogénéisation que dans l’organisation de la division du travail à l’échelle continentale, avec la commission européenne et la BCE comme « capitaliste collectif » à minima. Mais cette nouvelle étape d’intégration/coordination ne pouvait être franchie sans mettre un terme à la première phase d’accompagnement de la restructuration (facilitation des « transitions démocratiques » de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce, où les aides européennes permirent d’acheter la paix sociale, amortissements divers à la dérégulation : politique agricole commune, etc..). De moyen, la construction européenne devait devenir fin.

    Le mouvement a été préparé par la privatisation/conversion des conglomérats publics en oligopoles transnationaux, la décentralisation (Voir Brèves remarques sur la faillite de Dexia), l’encadrement de la mobilité de la force de travail ( espace Schengen) et s’est même donné comme idéal le modèle productif allemand pourtant fondé sur l’assemblage d’éléments produits dans l’U.E mais hors zone euro ( d’où l’attachement du capital allemand à un euro fort qui permet d’aller s’y fournir à moindre coût). Mais si la crise des dettes souveraines, crise et fin de la première phase de la restructuration, ouvre effectivement la voie à une accélération de la transition sous le prétexte commode de la pression des marchés, le chemin va être encore long.

    On peut mieux expliciter cela en recourant, une fois n’est pas coutume, à l’économie politique bourgeoise. Au début des années 60, Robert Mundell a développé la notion de zone monétaire optimale pour mettre « en lumière » conséquences et exigences de l’introduction d’une monnaie unique entre plusieurs pays. Puisque dans une union monétaire, la manipulation du taux de change ne peut plus être un moyen de répondre aux aléas de conjoncture, « ce sont les mouvements de prix et de salaires ou encore ceux de main d’œuvre ou des capitaux qui permettent d’ajuster les différentiels de compétitivité ou de productivité ». Bref pour qu’une zone monétaire devienne optimale, il faut en finir avec les aires d’accumulation nationales classiques, donc à l’architecture des rapports sociaux qui leur correspondent et redistribuer l’exploitation à l’échelle continentale, le fameux « fédéralisme budgétaire » ne visant à rien d’autre qu’à cela. Mais pour harmoniser effectivement le nivellement, encore faut-il que l’ « effet domino » fonctionne dans le bon sens, celui de la défaite car ce qui se passera à Athènes influera directement sur la suite à Rome ou Paris. Tout le petit jeu avec la souveraineté, que ce soit celui des agences et leurs notations ou d’un Papandréou avec ses velléités de referendum ou encore les épouvantails agités par tel ou tel politicard, indiquent suffisamment que, pour le capital, la partie est loin d’être gagnée.

    Toute la dramaturgie des sommets et sauvetages in extremis ne masque pas que la transformation de la zone euro en zone monétaire optimale est entrée dans son périlleux « moment nécessaire » d’intensification de la guerre sociale. Et maintenant que le sort des pays les moins developpés d’Europe ne fait que montrer aux pays les plus developpés « l’image de leur propre avenir », ce De te fabula narratur rend bien dérisoires les petites comptines social-démocrates et altercapitalistes et l'habituel cantonnement des luttes dans les ornières nationales.


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