• Bien crevée, vieille taupe ? (1)

    45 morts lors d’une grève sauvage dans les mines les plus dangereuses du pays le plus inégalitaire et le plus violent (hors conflit-sic !-) du monde, « business as usual» dira-t-on, tout comme les coups de grisou qui se produisent encore régulièrement en Chine ou en Russie, lointains et inévitables « revival » de la préhistoire carbonifère d’un capitalisme voué à moyen terme à l’immaculé et au numérique… Et pourtant, le supplément économique d’un grand quotidien adepte de l’austérité et des gaz de schiste, ne titrait-il pas dernièrement : «  la France doit-elle rouvrir ses mines ? ».

    En tout cas, au-delà des vaticinations futurologiques, la question du secteur minier, de son évolution récente et des luttes qui s’y sont déroulées et s’y déroulent, ne méritent pas de passer par pertes et profits sous prétexte d’un déclin inexorable, chaque jour un peu plus démenti.  

     

    Restructuration, mines en abîme

    Les débuts de la restructuration ont été notamment marqués par deux grandes luttes de mineurs, l’une aboutissant à une victoire en demi-teinte (grève des mineurs américains en décembre77/mars 78) et l’autre à une cuisante défaite (la grève des mineurs anglais de 84/85). Si la première semblait marquer un coup de frein à la contre-offensive du capital, la seconde a signifié l’écrasement de toute résistance au roll back. Quoiqu’on pense du rôle des « bastions de combativité » (Cf. la SNCF en 95), ils incarnaient une continuité des luttes qui donnait à l’affrontement une forte charge symbolique et stratégique. Comme le résumait à l’époque un mineur de Virginie occidentale : « Je fais ça pour tout le monde. La plupart des mineurs ressentent la même chose. S’ils brisent notre syndicat, les compagnies feront pareil aux autres. S’ils nous mettent par terre, ils casseront aussi les reins de ceux qui travaillent dans l’usine d’à côté. » Auquel semble répondre en écho un mineur anglais au moment de la reprise du travail : « Au moins, nous nous sommes bien battus pendant un an. » Et si, vu d’aujourd’hui, ces combats peuvent paraître « d’arrière-garde », c’est bien parce que ce secteur était, d’une certaine manière, déjà à « l’avant-garde ».

    En effet, la substitution du pétrole au charbon qui visait notamment à briser la centralité de ce groupe ouvrier combatif et très organisé, avait commencé bien plus tôt. Ainsi en France, c’est dés 1961 que des mines ferment ce qui provoquent des mouvements massifs (occupation de fond à Decazeville et ailleurs, « grande marche sur Paris » en 63) qui obtiendront diverses mesures de reclassement dont une promise à un grand avenir, les préretraites. C’est dans ce secteur minier, par essence rivé à un territoire et corseté par de lourds coûts d’investissement (en quelque sorte l’inverse de l’industrie textile), qu’a commencé, en occident, ce fameux « abandon » du travail par le capital qui fait encore tant pleurnicher syndicalistes et politiciens. Bien sûr, le passage au « tout pétrole », qui s’est effectué à une vitesse jamais vue dans l’histoire (en 1950 le charbon assurait encore 65% de l’approvisionnement en énergie dans le monde occidental) participait aussi du nouvel équilibre fordiste, à travers notamment à la stabilité des prix garantie par le cartel des « sept sœurs », et symbolisait le plein déploiement de la subordination réelle et de la seconde révolution industrielle[1]. En ce sens, le secteur minier était effectivement destiné au rayon des archaïsmes en voie de disparition. Mais mieux vaut laisser le déterminisme technique aux apologues du capital, aux tenants du marxisme momifié et autres libérateurs des « forces productives », car dans le jeu réciproque entre système technique et rapports sociaux, il n’y a pas de place pour une quelconque neutralité supra historique (progrès ou autre).

     La relative (voire très relative Cf. par exemple Suède ou Pologne) disparition du secteur minier au nord dans la restructuration est d’abord venu entériner une défaite prolétarienne, et ce dans ce qu’elle a eu de plus décisif, c’est à dire ses limites internes non dépassées (Identité ouvrière, affirmation du travail). Les mineurs anglais inondant les puits dont ils voulaient justement empêcher la fermeture ont eux aussi incarnés cette contradiction et son potentiel explosif.



    [1] Sur la question du rapport entre énergie et lutte des classes, on trouve de nombreuses analyses dans le n°13 (Hiver 08/09) de la revue en ligne The Commoner.


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