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  • Si elle a effectivement beaucoup démantelé, la restructuration n’en a pas moins approfondi et intensifié la subordination de la société à la production de masse/consommation de masse. Toutefois cette socialisation extensive trouve sa limite dans la crise : la déflation salariale supposait la reproduction à crédit de la force de travail et l’exploitation à bas coût au Sud : bulles immobilières et luttes ouvrières sont venues mettrent à mal ce fragile équilibre. Le compromis social basé sur l’enrichissement fictif s’étant évaporé, il ne reste plus qu’à redistribuer de la paupérisation. Tactiquement cet « a minima »-géneisation s’accommode évidemment très bien d’ethnicisation et de dénonciation de l’assistanat car comme l’a si joliment dit l’économiste Olivier Pastré : «  La crise des subprimes est arrivée par les pauvres. Elle se répercutera sur les pauvres. » Mais cet acharnement ne tient pas qu’à une simple misanthropie de nantis, derrière la guerre déclarée à l’inactivité c’est aussi la crainte que l’exclusion ne se transforme en une désaffiliation sociale plus radicale. Car si l’anti-travail des années 60-70 a été pour ainsi dire désarmé par le chômage de masse, le maintien de ce dernier à des niveaux élevés (ce en quoi d’ailleurs, il est devenu un indicateur de la conflictualité dans la restructuration), émousse sévèrement la propension à l’intégration dans une société où il faut désormais faire des pieds et des mains pour se faire exploiter. Les bêlements « indignés » masquent mal que, par exemple, toute une partie de la jeunesse a rejoint la cohorte des désabusés du salariat. Et comme le rappelait à très juste titre La Banquise il y a certain temps déjà : « C’est l’activité qui est essentielle. Emprisonnée dans le travail, elle en détermine l’évolution et les crises. Parce que cette activité est le centre de la vie sociale, la dualité antagonique travail-activité est décisive pour une révolution future. » (N°4 1986) C’est justement le re-développement de l’activité en dehors du travail qui inquiète les gestionnaires, voire les gauchistes qui proposent charitablement un revenu universel garanti pour le neutraliser.

    Sans tomber dans la fable anti-industrielle de la révolution par le potager, il faut bien admettre que la redécouverte d’un certains nombres de pratiques et savoirs dessine en creux une sécession d’avec « le processus social de production». « A partir du moment (..) où le produit individuel est transformé en produit social, en produit d’un travailleur collectif dont les différents membres participent au maniement de la matière à des degrés très divers, de près ou de loin, ou même pas du tout, les déterminations de travail productif, de travailleur productif s’élargissent nécessairement. Pour être productif, il n’est plus nécessaire de mettre soi-même la main à l’œuvre, il suffit d’être un organe du travailleur collectif ou d’en remplir une fonction quelconque. » (Marx  Le Capital) C’est au moment où la mise à l’écart cesse d’être productive, que sous l’inactivité, l’activité perce, qu’il devient aussi urgent d’appliquer le traitement de cheval du « workhouse » à cet insidieux « cancer de la société » (dixit Laurent Wauquiez). Bref, le chomage de masse comme contre-offensive, étend aussi l’anti-travail hors du travail.  


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  • Depuis 30 ans la lutte contre le chômage est d’abord une lutte contre ce qui reste de « travail organisé », que ce soit par les vagues successives de dérégulation par la surréglementation du marché du travail ou par le rôle décisif que joue cet épouvantail pour maintenir « l’entente forcée » dans les boites ou la docilité inquiète à tous les âges et bas étages de la société. Au-delà des petits jeux statistiques, l’inactivité (ne plus être compté dans la population active, c’est à dire  salariés + chômeurs) a, elle aussi, participée à la multiplication des statuts alternatifs au salariat classique accompagnant l’essor du travail intérimaire et servi de soupape aux divers durcissements des régimes d’allocation-chomâge pour ceux que l’on considère comme encore exploitables. Précisons qu’ainsi en Grande Bretagne 2,7 millions de personnes sont titulaires du régime d’invalidité, ce qui constituait avant la crise deux fois et demi le nombre de bénéficiaires de l’allocation chômage. De même au Danemark, ce sont 20% des 15-64 ans qui sont sortis plus ou moins définitivement du marché du travail.  Mais le resserrement actuel des contrôles et la généralisation progressive du travail gratuit indiquent que nous sommes à un nouveau tournant.

    Pour en  rester aux chiffres, il est clair qu’avec le vieillissement des populations, la gestion de l’inactivité devient centrale pour le capital : en ajoutant retraités et bénéficiaires des aides sociales, on en arrive, à moyen terme, à 25 millions d’inactifs en Allemagne, 19 millions en France et 17 millions en Grande Bretagne.

    Les retraités constituent un double problème puisqu’ils bénéficient de l’ancien régime de contractualisation de la lutte des classes, qui peut encore être rogné mais difficilement supprimé et ne peut en tout cas pas être équilibré du fait de l’externalisation de la production (Aux Etats-Unis, on compte 3 retraités pour 1 actif chez General Motors). Ironie du sort, c’est un peu le travail « mort » (sa combativité passée et les mesures nécessaires à sa fixation cf. fidéliser pour lutter contre le turn-over) qui pèse sur le capital.

    L’inactivité exprime donc une contradiction propre à la restructuration : comptes impossibles à solder de l’ancien cycle de luttes, rétablissement du rapport de force par la mise en quarantaine d’une partie du travail vivant traité comme valeur usagée et déséquilibre entre contrôle social sur une aire nationale et mobilité mondiale du capital. La création actuelle d’un « servile public » de la main-d’œuvre vise donc à pallier aux effets les plus saillants de cette contradiction en réduisant les coûts de reproduction du non-travail. Mais, comme l’ont montré les diverses aberrations émaillants l’offensive contre les régimes d’invalidité ( un cul-de-jatte envoyé ramasser des asperges en Allemagne, un homme au bras plâtré considéré comme apte à porter des objets lourds en Angleterre, etc.…), il s’agit plus de discipline que de valorisation (Nous verrons dans la deuxième partie pourquoi).


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    Dans la longue liste des « mauvais pauvres » sont venues s’ajouter au travers de récentes mesures d’austérité, les mères de famille célibataires. Ainsi, en Grande-Bretagne sont-elles désormais obligées de chercher un travail pour garder leurs allocations  tandis qu’en Allemagne le salaire parental a été supprimé pour les bénéficiaires de Hartz IV. Mesures surprenantes dans des pays où la démographie fortement déclinante n’est justement soutenue que par les pauvres, autochtones ou immigrés… Certes, on peut le constater dans n’importe quel quartier populaire de Berlin, il y a effectivement un évitement du travail par la maternité, une « prolétarisation » au sens premier du terme

     

    (« Proletarius : qui ne compte dans l’état que par ses enfants ») ce qui alimente depuis longtemps aux Etats-Unis divers délires racistes ou sociaux-darwinistes. Il peut sembler légitimement douteux  d’associer maternité et anti-travail, mais si nous recourrons à ce raccourci, c’est qu’il met en lumière un des aspects central de la contre-révolution, c’est à dire, pour faire vite, l’échec du féminisme, la révolte contre le patriarcat s’étant retournée en promotion de l’émancipation sous l’égide de l’aliénation marchande et du salariat.

     

    La dénonciation du travail invisible et non payé de la mère était un thème important du féminisme, notamment dans l’autonomie italienne et comme le constate Silvia Frederici : «  Dés le début des années 70, le refus par les femmes du travail domestique a pris la forme d’une migration massive vers le travail salarié. » (in The restructuring of social reproduction in USA in the 70’s). Or, cette révolte restée à mi chemin, tout comme (mais aussi parce que)  « l’anti-travail » ,  va permettre au capital de reprendre l’initiative selon le principe constant de la restructuration : partir de là où s’épuise la subversion pour achever, dans un sens invers, ce qu’elle avait commencée (l’involution post-fordiste, la rétroversion post-moderne).

     

    Ainsi, cette migration qui s’est faite vers un salariat non qualifiée et précarisée, tout aussi routinier et répétitif que le travail domestique, participe de la néo-taylorisation des services et du délitement des vieilles normes contractuelles. De même, la fin relative du travail gratuit de la mère inaugure dans le même temps une nouvelle phase de subordination des foyers à la marchandise (« Dans la mesure ou le système de salariat se développe, tout produit se transforme en marchandise (..) » Marx). La fin de la famille traditionnelle implique en effet de nouvelles modalités de reproduction de la force de travail par la massification des services à la personne et de la production alimentaire transformée (plats surgelés), l’explosion de l’industrie du divertissement ou du « souci de soi » (jogging, etc.). La fin du « cycle foyer/usine, salaire masculin/travail domestique » (Silvia Frederici ibid.), débouche au final sur une émancipation en trompe l’œil (ne serait-ce que par l’épuisement que produit le double emploi), d’où le patriarcat, plus diffus, est loin d’avoir disparu.

     

    Précisons, qu’il ne s’agit bien évidemment pas ici de réhabiliter, sous on ne sait quel prétexte « objectif », le « Kinder, Kirchen, KÜche » mais de comprendre que c’est cette défaite des luttes,  notamment féministes, des années 60/70 qui détermine encore le cours de la restructuration.

     

    La salarisation extensive,  pendant du chômage de masse, doit donc continuer. D’ailleurs, certaines féministes ultra-libérales poussent l’apologie du travail jusqu'à soutenir l’individualisation des droits sociaux c’est à dire ne plus fournir d’allocations aux familles en tant que telle pour pousser, « en dégradant leur situation », les femmes à travailler. Toutefois la reconversion du parc à rebus dans les services à la personne ou dans l’auto-dumping micro-entrepreunarial, n’est pas l’invention d’un nouveau régime d’exploitation mais plutôt la mise au sous-travail, ou sous tutelle, comme contrôle social à bas coût. L’important étant peut-être qu’un au-delà de la fausse alternative maternité et/ou précariat, c’est à dire une redécouverte de toute la critique féministe de la reproduction, ne puisse émerger. C’est pourtant le moins qu’on puisse souhaiter aux filles-mères de Wedding.  

     


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    Voilà ce qu’on pouvait lire dans le journal Le Monde daté du 18 juillet au sujet d’ « une réforme radicale du régime de prestations sociales » votée par le parlement hongrois : «  Les allocations chômage sont limitées à 90 jours et, à compter du 1er septembre, les bénéficiaires d’aides publiques seront contraints de participer à des tâches d’intérêt général : nettoyage des rues, entretien des parcs et des forêts, chantiers de deux stades de football à Debrecen à l’ouest de Budapest. S’ils refusent, ils perdront leurs allocations, suivant l’esprit de la nouvelle constitution hongroise, où les droits sont mesurés à l’aune des devoirs envers la famille et la collectivité. Ce projet de travail obligatoire, qui vise surtout les Roms, la majorité d’entre eux vivant des aides sociales, figurait au programme du parti d’extrême droite Jobbik [ célèbre pour sa milice : la garde hongroise Note de SDA].

     

    Si les chantiers sont situés à plus de trois heures de route du domicile des ouvriers, ceux-ci seront logés dans des conteneurs. La surveillance sera confiée à des policiers qui avaient été envoyés prématurément à la retraite car « ils ont les compétences nécessaires pour remettre au travail quelque 300 000 personnes » a assuré le ministre de l’intérieur Sandor Pinter. La nouvelle réglementation autorise les communes à vérifier si les bénéficiaires sont dignes de toucher leurs allocations- notamment en inspectant la propreté de leur logement, voire de leurs sous-vêtements. »

     

    (Joëlle Stolz Hongrie : les libertés foulées par le pouvoir)

     

    Tout cela n’a pas manqué d’indigner certains éditorialistes, ce qui est tout de même assez comique alors qu’on célèbre le premier anniversaire du discours anti-Roms de Grenoble, que les travaux d’intérêt général obligatoires pour les allocataires du RSA ne sauraient tarder à entrer en vigueur et qu’on nous annonce la création d’un « FBI  de la fraude sociale ». Même usage tactique de l’exclusion compensatrice, même morale punitive (la farce des droits et devoirs), même principe proto-carceral de la mise au travail gratuit ; c’est à peine si l’un, Sarkozy, prend plus de pincettes que l’autre, le grand méchant Orban…Au-delà des ressemblances et des gradations se dessine un seul et identique modèle de Kaporalisation des restes d’Etat social (Nous y reviendrons).

     

    L’acharnement contre les Roms est à la fois spécifique et emblématique. Ces communautés qui, en Europe de l’est, n’ont toujours été que marginalement intégrées à la société, victimes qu’elles étaient  de discriminations constantes mais aussi d’une certaine culture endogame, constituent dans la contraction actuelle de l’accumulation à l’échelle européenne, une surpopulation au sens de Marx, c’est à dire « excédentaire par rapport aux besoins moyens de valorisation du capital et donc superflue. »  (Le Capital T1). Mais, cette surpopulation n’est pas non plus « relative » car ces communautés sont, à l’exception des travaux saisonniers, globalement hors du salariat et ne constituent pas un «matériau humain constamment prêt et exploitable,pour les besoins changeants de [la] valorisation. » (Marx ibid.). Bref, il ne s’agit pas, à court ou à moyen terme d’une « armée industrielle de réserve ». Malgré quelques vagues tentatives, l’entrée dans l’union européenne n’a pas inversée la tendance  et n’a pas, au contraire, empêchée un certain « revival » fascisant (Défilé de milices en Hongrie, construction d’un mur isolant le quartier rom à Baia Mare en Roumanie, etc.).

     

    « Surpopulation absolue », les Roms le deviennent d’autant plus qu’ils se retrouvent piégés par la double contrainte de mobilité/ fixation de la force de travail dans l’aire d’accumulation européenne.  L’intégration des pays de l’Est, comme mise à disposition d’une main d’œuvre supposée docile et bon marché mais aussi import massif de travailleurs (Par exemple les polonais en Grande Bretagne et en Irlande), est mise à mal par une nouvelle combativité ouvrière sur place (Cf. Grève chez Dacia en Roumanie, chez Hyundai en Tchéquie, sabotages dans l’usine Fiat de Tychy en Pologne, etc.)  et la crise à l’ouest (notamment dans  le bâtiment). Et quand on reproche aux Roms tout à fois le nomadisme ( supposée criminel) ici et la sédentarité (supposée paresseuse)  là-bas, bref de n’être exploitables nulle part, on rappelle à tous les modalités stricts de la « libre circulation » dans l’interchangeable et une de ses conséquences inévitables : la production régulière de surnuméraires.

     On remarquera pour finir, que le conteneur, instrument par excellence de l’économie de flux mondialisée, trouve une nouvelle fonction dans l’encasernement des « superflus » locaux. Encasernement qui  tend à se développer un peu partout, notamment au Danemark et aux Pays-Bas où se multiplient, là encore, les « conteneurs pour asociaux » à la périphérie des villes, dans lesquels de jeunes récidivistes sont obligés de résider avec leur famille pour une durée probatoire


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