• à la marge ? (2) Les Roms, une surpopulation absolue ?

     

    Voilà ce qu’on pouvait lire dans le journal Le Monde daté du 18 juillet au sujet d’ « une réforme radicale du régime de prestations sociales » votée par le parlement hongrois : «  Les allocations chômage sont limitées à 90 jours et, à compter du 1er septembre, les bénéficiaires d’aides publiques seront contraints de participer à des tâches d’intérêt général : nettoyage des rues, entretien des parcs et des forêts, chantiers de deux stades de football à Debrecen à l’ouest de Budapest. S’ils refusent, ils perdront leurs allocations, suivant l’esprit de la nouvelle constitution hongroise, où les droits sont mesurés à l’aune des devoirs envers la famille et la collectivité. Ce projet de travail obligatoire, qui vise surtout les Roms, la majorité d’entre eux vivant des aides sociales, figurait au programme du parti d’extrême droite Jobbik [ célèbre pour sa milice : la garde hongroise Note de SDA].

     

    Si les chantiers sont situés à plus de trois heures de route du domicile des ouvriers, ceux-ci seront logés dans des conteneurs. La surveillance sera confiée à des policiers qui avaient été envoyés prématurément à la retraite car « ils ont les compétences nécessaires pour remettre au travail quelque 300 000 personnes » a assuré le ministre de l’intérieur Sandor Pinter. La nouvelle réglementation autorise les communes à vérifier si les bénéficiaires sont dignes de toucher leurs allocations- notamment en inspectant la propreté de leur logement, voire de leurs sous-vêtements. »

     

    (Joëlle Stolz Hongrie : les libertés foulées par le pouvoir)

     

    Tout cela n’a pas manqué d’indigner certains éditorialistes, ce qui est tout de même assez comique alors qu’on célèbre le premier anniversaire du discours anti-Roms de Grenoble, que les travaux d’intérêt général obligatoires pour les allocataires du RSA ne sauraient tarder à entrer en vigueur et qu’on nous annonce la création d’un « FBI  de la fraude sociale ». Même usage tactique de l’exclusion compensatrice, même morale punitive (la farce des droits et devoirs), même principe proto-carceral de la mise au travail gratuit ; c’est à peine si l’un, Sarkozy, prend plus de pincettes que l’autre, le grand méchant Orban…Au-delà des ressemblances et des gradations se dessine un seul et identique modèle de Kaporalisation des restes d’Etat social (Nous y reviendrons).

     

    L’acharnement contre les Roms est à la fois spécifique et emblématique. Ces communautés qui, en Europe de l’est, n’ont toujours été que marginalement intégrées à la société, victimes qu’elles étaient  de discriminations constantes mais aussi d’une certaine culture endogame, constituent dans la contraction actuelle de l’accumulation à l’échelle européenne, une surpopulation au sens de Marx, c’est à dire « excédentaire par rapport aux besoins moyens de valorisation du capital et donc superflue. »  (Le Capital T1). Mais, cette surpopulation n’est pas non plus « relative » car ces communautés sont, à l’exception des travaux saisonniers, globalement hors du salariat et ne constituent pas un «matériau humain constamment prêt et exploitable,pour les besoins changeants de [la] valorisation. » (Marx ibid.). Bref, il ne s’agit pas, à court ou à moyen terme d’une « armée industrielle de réserve ». Malgré quelques vagues tentatives, l’entrée dans l’union européenne n’a pas inversée la tendance  et n’a pas, au contraire, empêchée un certain « revival » fascisant (Défilé de milices en Hongrie, construction d’un mur isolant le quartier rom à Baia Mare en Roumanie, etc.).

     

    « Surpopulation absolue », les Roms le deviennent d’autant plus qu’ils se retrouvent piégés par la double contrainte de mobilité/ fixation de la force de travail dans l’aire d’accumulation européenne.  L’intégration des pays de l’Est, comme mise à disposition d’une main d’œuvre supposée docile et bon marché mais aussi import massif de travailleurs (Par exemple les polonais en Grande Bretagne et en Irlande), est mise à mal par une nouvelle combativité ouvrière sur place (Cf. Grève chez Dacia en Roumanie, chez Hyundai en Tchéquie, sabotages dans l’usine Fiat de Tychy en Pologne, etc.)  et la crise à l’ouest (notamment dans  le bâtiment). Et quand on reproche aux Roms tout à fois le nomadisme ( supposée criminel) ici et la sédentarité (supposée paresseuse)  là-bas, bref de n’être exploitables nulle part, on rappelle à tous les modalités stricts de la « libre circulation » dans l’interchangeable et une de ses conséquences inévitables : la production régulière de surnuméraires.

     On remarquera pour finir, que le conteneur, instrument par excellence de l’économie de flux mondialisée, trouve une nouvelle fonction dans l’encasernement des « superflus » locaux. Encasernement qui  tend à se développer un peu partout, notamment au Danemark et aux Pays-Bas où se multiplient, là encore, les « conteneurs pour asociaux » à la périphérie des villes, dans lesquels de jeunes récidivistes sont obligés de résider avec leur famille pour une durée probatoire


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