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    La crise de la zone Euro n’est qu’un moment d’un retour « au bercail » annoncé par le cycle des crises financières, régionales puis mondiales, des années 90 et 2000, les plans d’ajustement des uns n’ayant, au final, fait que préparer celui des autres (d’où l’ironie actuelle de nombres de dirigeants asiatiques).

    Le processus court qui mène à 2007 le montre bien : la crise asiatique de 97 réactualise l’exportisme des « dragons », au détriment du développement de leur marché intérieur et, dans le même temps, le reflux de capitaux occidentaux alimente la bulle Internet et ses mirages de rentabilité qui s’évaporent en 2001 et pousse Greenspan and co a continuer la fuite en avant dans l’endettement des ménages (taux d’intérêts quasiment négatifs, multiplication des crédits chausse-trappes, etc..) donnant naissance à une bulle immobilière dont on connaît le destin. L’ultime transfert de crise se réalise enfin en programmes d’austérité pour sauver les Etats «de la faillite », c’est à dire commencer à résoudre le déséquilibre de départ, autrefois dynamique, entre internationalisation et maintien d’un entre-deux de la socialisation dans les métropoles. La subordination relative de la production à la circulation (financiarisation, conteneurisation, flux tendu) de ces dernières décennies ne suffisant plus pour maintenir cette asymétrie à flot (rendements décroissants, surliquidité).

    Mais au-delà des présupposés économiques (les Etats-Unis et l’U.E consommateurs en dernier ressort de l’accumulation mondiale) ou idéologiques («ultralibéralisme », « consensus de Washington ») c’est bien de lutte de classes qu’il s’agit. Les luttes ouvrières au sud ( Corée, Thaïlande, Indonésie hier, Chine, Bangladesh, etc. aujourd’hui) venant saper les bases de la paix sociale à crédit au nord, elle-même produite, comme défaite, à partir des limites de l’offensive prolétarienne précédente dont il s’agit aujourd’hui de solder les comptes.

    La contradiction entre prolétariat et capital a, en quelque sorte, fait son tour du monde et se formule désormais globalement, au delà de la séparation classique centre/périphérie. Et ce n’est pas tant vers une « tiers-mondisation » que vers une hybridation généralisée qu’on s’avance (Nous y reviendrons dans une série de petits textes sur la paupérisation).

    -La parole aux chausseurs

    Les propos de deux industriels de la chaussure aux deux « bouts» du cycle résument d’une certaine manière les choses :

    William Sheskey au début des années 70 devant des parlementaires américains qui lui demandaient pourquoi il délocalisait : «  Je produis les mêmes chaussures, je les vends aux mêmes clients, sous la même marque avec la même organisation et le même équipement mais je paye là bas 50 cents de l’heure au lieu de 3$ ici. Bref, tout est américain sauf le travail. » (Cité dans Global reach)

    Et à la question « relocaliserez-vous un jour ? », le français Rostand répondait il y a quelques mois : « Tout bouge actuellement, les salaires augmentent beaucoup en Inde et en Chine. Mais dans le même temps les niveaux de salaire du Portugal se rapprochent de ceux de l’Inde, donc qui sait ? » (Dans l’émission on n’arrête pas l’éco sur Rance-inter).


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    La banque centrale européenne est le relais entre les deux phases de la restructuration comme construction européenne. Son principe fondateur, contenir l’inflation c’est à dire imposer le déflation salariale, est maintenu avec d’autant plus de rigidité qu’il est le ciment du couple rigueur-recession. Et les dernières aberrations locales « inacceptables » (dixit Trichet au sujet de l’indexation automatique des salaires sur l’inflation en Belgique) cessant bientôt de faire obstacle, on va pouvoir effectivement ajuster exploitation et reproduction à l’échelle continentale.

    Ni ennemie, ni émissaire c’est bien évidemment la BCE qui permet aux « marchés » de « faire la loi » puisque le contrôle strict de l’émission monétaire est la condition du pouvoir des liquidités transnationales. Et qu’a la tête d’Etats devenus simples courroies de transmission on retrouve désormais un de ses anciens gouverneur (Papademos) ou un commissaire européen à la concurrence (Monti) alors qu’elle est désormais dirigée par un ancien de Goldman Sachs (Dragghi), au-delà des classiques « revolving doors », entérine dans les faits cette sainte alliance. Certains pourront toujours y voir un complot (trouvez le Rothschild !) ou une incohérence de plus du capitalisme (qu’il serait temps de confisquer aux capitalistes, ces incapables !) mais derrière la petite comédie du « bon flic (BCE)/mauvais flic (Les agences de notation) » il n’y a que la cohérence stratégique de l’offensive actuelle du capital. Ainsi le démantèlement des restes de secteur public (Privatisation des postes, du secteur énergétique, des infrastructures et compagnies de transport) sous l’égide des technocrates revenus de Francfort permettra de passer le relais aux experts en fusion-acquisition qui ne sont que les petites mains d’un secteur oligopolistique qui est d’ores et déjà la clé de voûte du bloc européen.


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    Ce qui suit n'est qu'un résumé trés incomplet de la question...

    Sur le même sujet, voir le texte Crise, la fin des rafistolages dans le dernier numero (138) d’ Echanges ( Bp 241 75866 Paris cedex 18 et www.mondialisme.org)

    La politique monétaire constitue en quelque sorte l’Everest de la mystification économique : l’inintelligibilité y atteint son summum. Pourtant si on la considère sans œillères objectivistes, c’est à dire comme moment d’un rapport social, on peut percevoir comment elle a participé et participe d’une stratégie de la classe capitaliste.

    Petit récapitulatif préalable: l’accord de Bretton woods, qui consacrait le dollar comme monnaie d’échange mondiale garantie sur l’or, était le pivot de l’équilibre international du capitalisme des « trente glorieuses » puisqu’en assurant la fixité des taux de change, il limitait les déplacements de capitaux et par la création d’institutions tels le FMI pouvant faire crédit aux pays dans le besoin, pérennisait le cadre national dans lequel le compromis fordien, symbolisé par l’indexation des salaires sur la productivité, assurait la conjonction « harmonieuse » entre production de masse et consommation de masse.

    Mais dés 67, les patrons américains, voyant l’économie ralentir du fait de l’aggravation, par les luttes, du différentiel entre le salaire horaire des ouvriers américains et celui des ouvriers allemands ou japonais et arguant d’une sous-évaluation des monnaies étrangères, demandent à suspendre la convertibilité dollar-or pour faire tourner la planche à billet : de 69 à 71 les sommes en dollars présentes sur les marchés financiers doublent et les hausses de salaires sont compensées par l’inflation. Avec l’abandon définitif du vieux régime de change (71/73), on passe du système papier au système papier-papier, au dollar flottant; remise en cause qui conduit au choc pétrolier (les pays pétroliers augmentant unilatéralement leurs prix pour être sur de n’être pas payé en monnaie de singe) et « casse » la croissance mondiale. Dans un article paru en octobre 1976 dans la revue Zerowork La monnaie dans la crise mondiale : la nouvelle base du pouvoir capitaliste Christian Marazzi a bien analysé les implications stratégiques de l’inconvertibilité du dollar : « Le défi lancé par les Etats-Unis en 71 avec l’inconvertibilité est le point de départ de la contre-attaque du capital dans la crise actuelle (.) depuis le début de cette contre-attaque, le capital international a utilisé la monnaie comme une de ses principales armes contre la classe ouvrière ; (..) La vague internationale de lutte qui a commencé au milieu des années 60 signifiait l’écroulement de tout le système de stratification internationale de la domination sur le travail vivant, sur lequel la convertibilité or-dollar était basée. (…) l’inconvertibilité ne peut être comprise qu’en termes politiques, elle pose les bases stratégiques d’une réorganisation du capital par la crise- une crise planifiée contre la classe ouvrière globale par la manipulation de la monnaie. »

    En effet, le fameux choc pétrolier et la récession qui s’ensuivit, permit de commencer à renverser le rapport de force aux USA, d’en finir bientôt avec l’indexation des salaires sur la productivité et, dans un même temps, la volatilité du dollar et la fin des restrictions à la mobilité des capitaux permettront de déjouer les effets de taux de change et faciliter l’émergence d’une nouvelle division internationale du travail en supprimant les délimitations des espaces classiques de valorisation. Avec la fin de Bretton Woods, la classe capitaliste reprend l’initiative en commençant à s’extirper du carcan social, géographique du compromis fordiste, le dollar flottant étant le premier jalon d’une contre-offensive fondée sur la mobilité du capital.

    Cette mobilité, et la centralisation qu’elle suppose à moyen terme, impliquait que les prix des marchandises tendent a être fixé au niveau mondial, première impulsion à la financiarisation, le développement du financement par l’actionnariat ou l’émission d’obligations plutôt que par les banques facilitant dans le même mouvement les prises de risques au niveau international, le « cash-flow » nécessaire étant fourni par l’afflux de pétrodollars produits de la hausse des cours du pétrole.

    Mais c’est en 79, au moment ou la restructuration semble patiner que cette stratégie de la crise va encore plus concrètement s’affirmer : pour lutter contre l’inflation qui, couplée à la baisse persistante du taux de profit, commençait a sérieusement éroder les revenus de la classe capitaliste, Volker président de la réserve fédéral américaine, et actuel conseiller d’Obama, augmente d’un coup ses taux d’intérêt de 1% ( le taux d’intérêt est le loyer de l’argent, une augmentation brusque provoque un assèchement de la demande de crédit et donc un ralentissement plus ou moins brutal de l’investissement) rompant ainsi avec le consensus de plein emploi et précipitant une récession mondiale (second choc pétrolier en avril 80, « Le coup de 79 prolongea les effets de la crise, notamment le chômage et contribua à l’endettement des Etats et d’une fraction des ménages déjà fragilisée par le ralentissement de la croissance, le chômage et la précarité » (Dumenil et Levy Crise et sortie de crise)). Cette chute du dollar fut, on le sait, une catastrophe dans les pays du tiers monde qui s’étaient beaucoup endettés dans les années 70 (Mexique), leur débiteur effrayé par la chute du billet vert demandant des remboursements immédiats. On a beaucoup glosé sur le « machiavélisme » de ces manœuvres américaines ( qui interviennent à un moment d’affaiblissement économique et stratégique : Iran, Nicaragua,etc.), elles correspondent en tout cas à un seuil nouveau de la stratégie de la crise puisque cette récession ouvre la voie à une grande vague de restructuration aux Etats-Unis, avec, bientôt, l’aide d’un Etat offensif, Reagan brisant au début des années 80 la grève des contrôleurs aériens ( Il les fait tous licencier pour les réembaucher avec des salaires moindres).

    Face a ces fluctuations du dollar qui mette a mal toute la planification économique classique, le chancelier Helmut Schmidt, soucieux d’assurer à l’Allemagne un marché stable en Europe, propose en 79 de créer le serpent monétaire européen (SME) et ouvre ainsi un nouveau seuil de la restructuration sur le vieux continent par l’intégration/homogénéisation européenne. L’entrée dans le SME suppose que les différents Etats abandonne l’arme classique de la dévaluation au profit de la rigueur monétaire commune et impose la lutte contre l’inflation, c’est à dire l’attaque contre les salaires, comme objectif premier de la politique économique. La création concomitante d’un Fond monétaire Européen, qui accorde des crédits aux pays en difficulté en contrepartie d’un certains nombres de réformes structurelles va compléter le dispositif : le prêt accordée à l’Italie en 79 prépare la contre-offensive qui s’engage dans la péninsule après l’échec de la grève chez Fiat l’année d’après comme le prêt du FMI la même année à la Grande Bretagne annonce le grand roll back thatchérien suite au « Winter of discontent ».


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    L’intégration européenne a été un facteur déterminant de la contre-offensive capitaliste à la fin des années 70 : qu’on pense par exemple à la mise sous tutelle de l’Italie lors de son entrée dans le Serpent monétaire Européen en 1979 qui prépara la défaite de 1980, à la généralisation des politiques de « désinflation compétitive » (Cf. le fameux « tournant de la rigueur ») ou au démantèlement coordonné de certains secteurs de production (construction navale, textile, sidérurgie, chimie). L’instauration de la monnaie unique et l’élargissement à tout va visaient à franchir un seuil nouveau tant dans l’homogénéisation que dans l’organisation de la division du travail à l’échelle continentale, avec la commission européenne et la BCE comme « capitaliste collectif » à minima. Mais cette nouvelle étape d’intégration/coordination ne pouvait être franchie sans mettre un terme à la première phase d’accompagnement de la restructuration (facilitation des « transitions démocratiques » de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce, où les aides européennes permirent d’acheter la paix sociale, amortissements divers à la dérégulation : politique agricole commune, etc..). De moyen, la construction européenne devait devenir fin.

    Le mouvement a été préparé par la privatisation/conversion des conglomérats publics en oligopoles transnationaux, la décentralisation (Voir Brèves remarques sur la faillite de Dexia), l’encadrement de la mobilité de la force de travail ( espace Schengen) et s’est même donné comme idéal le modèle productif allemand pourtant fondé sur l’assemblage d’éléments produits dans l’U.E mais hors zone euro ( d’où l’attachement du capital allemand à un euro fort qui permet d’aller s’y fournir à moindre coût). Mais si la crise des dettes souveraines, crise et fin de la première phase de la restructuration, ouvre effectivement la voie à une accélération de la transition sous le prétexte commode de la pression des marchés, le chemin va être encore long.

    On peut mieux expliciter cela en recourant, une fois n’est pas coutume, à l’économie politique bourgeoise. Au début des années 60, Robert Mundell a développé la notion de zone monétaire optimale pour mettre « en lumière » conséquences et exigences de l’introduction d’une monnaie unique entre plusieurs pays. Puisque dans une union monétaire, la manipulation du taux de change ne peut plus être un moyen de répondre aux aléas de conjoncture, « ce sont les mouvements de prix et de salaires ou encore ceux de main d’œuvre ou des capitaux qui permettent d’ajuster les différentiels de compétitivité ou de productivité ». Bref pour qu’une zone monétaire devienne optimale, il faut en finir avec les aires d’accumulation nationales classiques, donc à l’architecture des rapports sociaux qui leur correspondent et redistribuer l’exploitation à l’échelle continentale, le fameux « fédéralisme budgétaire » ne visant à rien d’autre qu’à cela. Mais pour harmoniser effectivement le nivellement, encore faut-il que l’ « effet domino » fonctionne dans le bon sens, celui de la défaite car ce qui se passera à Athènes influera directement sur la suite à Rome ou Paris. Tout le petit jeu avec la souveraineté, que ce soit celui des agences et leurs notations ou d’un Papandréou avec ses velléités de referendum ou encore les épouvantails agités par tel ou tel politicard, indiquent suffisamment que, pour le capital, la partie est loin d’être gagnée.

    Toute la dramaturgie des sommets et sauvetages in extremis ne masque pas que la transformation de la zone euro en zone monétaire optimale est entrée dans son périlleux « moment nécessaire » d’intensification de la guerre sociale. Et maintenant que le sort des pays les moins developpés d’Europe ne fait que montrer aux pays les plus developpés « l’image de leur propre avenir », ce De te fabula narratur rend bien dérisoires les petites comptines social-démocrates et altercapitalistes et l'habituel cantonnement des luttes dans les ornières nationales.


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